[English version follows]
J’allais dire, « Stanley Aronowitz, Professeur en Sociologie à la City University de New York, est mort », mais ça n’est pas tout-à-fait exact. Stanley se considérait avant tout comme un ouvrier : après s’être attiré encore jeune une suspension de la City University il avait pris du travail comme métallo avant de revenir à CUNY enseigner quelques trente ans plus tard. Il n’avait jamais pardonné sa suspension ni oublié son expérience d’ouvrier : le travail du prof et le travail du métallo le dégoûtaient également. Il aimait dire qu’il avait rétabli le “vulgaire” dans le Marxisme Vulgaire, et ça se sentait, parfois même au sens littéral : on le voyait arriver à CUNY en jeans et en chemise de flanelle, mal lavé comme un vrai prolo. Aronowitz en savait trop pour succomber au romantisme du Travail : tant que la relation au travail serait définie par le capital, les relations de classe seraient elles aussi définies par le capital. Il ne fallait donc pas laisser au capital l’occasion de définir la classe révolutionnaire ; la tâche incombait aux révolutionnaires eux-mêmes, « Blancs et Noirs, citoyens et immigrants, hommes et femmes ». L’activité révolutionnaire consistait en ce travail d’auto-définition. Dès le début des années soixante Aronowitz oeuvrait pour assurer la junction entre le mouvement syndicaliste aux USA et le mouvement pour l’égalité raciale, au point qu’il fut chargé d’assurer la participation du mouvement syndical, « les classes moyennes blanches pures et dures », à la Marche sur Washington de 1963. Cinq ans plus tard le mouvement syndicaliste français allait échouer de manière decisive à faire la junction avec les mouvements d’immigrants, de femmes, etc. C’est un échec dont les conséquences se font encore sentir aujourd’hui. Stanley Aronowitz : intersectionnaliste pur et dur jusqu’au bout
I was going to say: "Stanley Aronowitz, Professor of Sociology at the City University of New York, has died," but that's not quite right. Stanley considered himself a worker first and foremost: after earning a suspension from City University as a young man, he had taken a job as a metalworker before returning to CUNY to teach some thirty years later. He had never forgiven the suspension or forgotten his working-class experience: the teacher's job and the metal worker's job disgusted him equally. Stanley liked to claim he had restored the "vulgar" in Vulgar Marxism: you'd see him come to CUNY in jeans and a flannel shirt, like a real prole. At times he seemed to take the expression “The Great Unwashed” literally. And yet he knew too much to succumb to the romance of Labor: as long as the relation to work was defined by capital, class relations, too, would be defined by capital. Therefore it must not be left to capital to define the revolutionary class; the task fell to the revolutionaries themselves, "White and Black, citizen and immigrant, male and female." Revolutionary activity consisted of this work of self-definition. By the early 1960s Aronowitz was working to ensure the junction between the trade union movement in the U.S. and the movement for racial equality, so much so that in the preparations for the 1963 March on Washington he was called on to ensure the participation of the U.S. trade union movement, the “hard-core white middle classes”. Five years later the French trade union movement would fail decisively to make the junction with the immigrant, women's, and other movements, a failure that reverberates today. Stanley Aronowitz : hard-core intersectionalist to the end.