WOID XVII-35. Museumwatch : De la muséocratie en Amérique
Monday, August 27, 2007 4:32 pm
À Indian Creek la route n'est pas pavée, ce qui ne présente aucune difficulté pour les ego-touristes qui atterrissent sur le petit aérodrome annexe à la réserve écologique parallèle à la route, superficie, 76,000 hectares. De la route on peut voir par-delà l'arche qui perce la belle enceinte en pierre de taille derriere laquelle, paraît-il, douze maisonnettes de luxe à air conditionné attendent les touristes. Un garde est planté sous l'arche, face à la Crique de l'Indien, petit village aux toits de chaume sans electricité, sans eau courante, composé surtout d'indigènes mayas du groupe linguistique Kekchi, et où les poules, les cochons, et les petits indiens tout nus se poursuivent nonchalamment. Juste avant le village un tournant mène au site archéologique de Nim Li Punit. Le site est financé par l'Union Européenne.
Bélize vit une passion de l'enclos : dans ce petit pays sous-développé dont la population compte moins de 300.000 habitants et dont la densité est une des plus faibles au monde, on trouve un grand nombre de réserves écologiques, de terrains acquis par des particuliers au milieu de la jungle et sans eau courante, sans électricité, sans accès. Le long de la côte où le tourisme, l'écotourisme et le fricotourisme sont en plein essor, on spécule.
Ce sens de l'espace comme une chose qu'on clôture n'est pas dans les traditions indigènes. Les Mayas vivent encore sous le vieux système de l'ejido, la tradition des terres communes octroyées par les conquérants espagnols. Depuis le génocide au Guatemala des Mayas traversent la frontière pour s'installer dans des terres sans titres. Les bonnes âmes administratives encouragent les Mayas à dépasser leur économie de subsistance, malheureusement les Mayas manquent de capital ; leurs voisins les Mennonites immigrés des USA sont heureux de leur louer des batteuses agricoles à des taux usuriers, pour racheter ensuite leurs terres. Les bonnes âmes culturelles leur vendent des assortiment de verreries chinoises que les Mayas transforment en bracelets en style indigène qu'ils vont vendre dans le parking du site archéologique de Nim Li Punit, parce que les Mayas eux aussi sont requis de payer leur entrée au site archéologique.
C'est que Bélize est l'un des plus grands producteurs mondiaux de bananes, et que l'Union Européenne est impliquée dans une guerre protectionniste en faveur des cultivateurs de bananes dans ses territoires d'outre-mer. Si l'Union Européenne pouvait transformer l'ensemble de Bélize en réserves écologiques, en terres en friche, en condominiums de luxe ou en sites archéologiques cela simplifierait bien les choses pour tout le monde.
Sauf pour les Mayas, qui sont requis de payer l'entrée au site de Nim Li Punit. Mais après tout, pourquoi ce site maya pourrait-il interesser les Mayas? Il y a une dizaine d'année, quelqu'un s'est introduit dans le site archéologique et, par le feu et la machette, a détruit la plus grande partie des stèles anciennes. Cause ou effet? Comme disait cet officier américain au Viêt-Nam, « Nous avons été obligés de détruire le village pour le préserver. »
Ou de le préserver pour le détruire...